SIEMENS : LES AUTOROUTES ELECTRIQUES – « Pour ne rien changer… »
11 Mai 2012, le site web France mobilité électrique ( http://www.france-mobilite-electrique.org ) titre : « …A l’occasion de l’EVS26 qui se tenait cette semaine à Los Angeles en partenariat avec l’Avere, Siemens a dévoilé son projet d’autoroute du futur utilisant des pantographes pour recharger les camions hybrides ou électriques. Le transport de marchandises étant le principal responsable de la pollution atmosphérique, le projet prend donc tout son sens…. »
Electric Highway de Siemens : Un autoroute électrique avec des camions « branchés ».
Pour économiser de l’énergie et faire des camions « non polluants ».
- - Prenez une autoroute.
- - Prenez une centrale électrique ( Gaz de Schistes, Charbon, Pétrole de sables bitumineux.. ;)
- - Installez tout pleins de poteaux d’acier ( origine chine avec un minerai brésilien).
- - Des fils électriques et des transformateurs.
- - Prenez un camion diesel et rajoutez lui une paire de pantographes de tramway, un peu de conversion de courant, des moteurs électrique et de l’électronique de contrôle.
- - Mettez un petit bloc hybride pour pas trop polluer durant les parcours « non électrique ».
RESULTAT : Rouler « propre » sur 1500 km d’autoroute et « assez sale » sur les 100 km en parcours urbain de livraison finale.
Sur le fond, Siemens pense détenir LA bonne idée… On va pouvoir tous bouffer des fraises espagnoles en hiver en gardant bonne conscience…
Tout con, fallait y penser… Mais est-ce vraiment une aussi bonne idée que cela ?
Electric Highway de Siemens : Les dessous de l’innovation.
Appliquons le principe de « L’electric highway » de Siemens au parc « camions lourds » français.
La France compte un parc d’environ 550 000 véhicules industriels de plus de 3,5 Tonnes et un parc de 225 000 remorques et semi-remorques. Retenons le chiffre de 20 % comme le nombre de véhicules industriels éligibles à l’emploi du système Siemens…. Soient 110 000 engins. Admettons que dans la moyenne, chacun de ces véhicules « électrifiés » aura une motorisation de 0.257 MW (350 chevaux) on aura donc un besoin énergétique de 0.257 X 110 000 engins … Soit un total de 28270 Mégawatt
28270 Megawatt… ça représente:
- - 44 % de la capacité électronucléaire française.
- - Plus de 5 fois la Centrale de Gravelines ( 6 Générateurs de 900 MW chacun).
- - 5 700 Eoliennes de 5 MW ou 4 fois le parc éolien Français.
- - 35 fois la centrale électrique au charbon de Luenen
Luenen, dernière des centrales électriques à charbon de Siemens. Dite à combustion « super-critique » cette centrale à un rendement énergétique de 46% contre 20 % pour un moteur diesel de camion.
Selon Siemens, La centrale de Luenen rejette bien moins de 800 grammes de CO² pour chaque Kilowatt/heure produit. Le chiffre réel est inconnu car certainement confidentiel. Par conséquent retenons le chiffre de 400 g / Kwh, soit 30 grammes de moins que la moyenne nationale admise pour l’Allemagne (Source: International Energy Agency (IEA) ). Cela veut donc dire que sur 1 H de fonctionnement, une puissance de 257 Kwh va produire 103 Kg de CO2 ( 400 g X 257 Kwh ) soit autant qu’un camion lourd de 40 Tonnes qui consomme 40 litres sur une heure de route ( 40 litres X 2.60 Kg de CO² / litre de diesel). Or, si les travaux actuels sur les camions hybrides permettent de réaliser 20% d’économie sur les consommations nous pourrons compter sur des camions qui ne diffuseront plus que 85 Kg de CO2 par heure de fonctionnement. A ce stade, l’approche « Electric Highway » Siemens est moins performante.
Vu à l’échelle de la route et du camion, le système Siemens semble tenir ses promesses. Malheureusement, dans un cadre plus global, on s’aperçoit que le calcul n’est pas compétitif. La chose est d’autant plus vraie que cette petite démonstration ne tient pas compte du trafic de véhicules autres que français sur cette hypothétique toile électrique … A moins que Siemens base sa stratégie sur la fourniture de centrales nucléaires comme source principale d’alimentation…
Electric Highway de Siemens : Améliore les transports : Une réponse limitée.
Selon l’ADEME les transports participent pour 24 % aux émissions de gaz à effet de serre. Soit autant que l’industrie, 25%. Industrie, Logement, agriculture et génération énergétique constituent 72% de des émissions de gaz à effet de serre. Par conséquent, les transports, même s’ils jouent un rôle certain, ne sauraient à eux seuls représenter la cause principale de la pollution atmosphérique.
La fonction, logistique, transport est la conséquence des autres domaines d’activité. Donc, changer de mode de vie ou de mode de production, voire, de consommation, serait à terme plus efficace que d’améliorer l’efficacité des moteurs.
Je ne dis pas que les améliorations sur les motorisations, le développement de l’hybride sont des inventions inutiles. Cependant, incriminer le transport comme étant la cause principale des pollutions atmosphériques revient à améliorer la béquille sans réparer la jambe cassée.
Sources :
Ademe : http://www.ademe.fr/midi-pyrenees/a_4_01.html
Siemens : Luenen power plant