Top 14: La Rochelle maîtrise Bordeaux-Bègles 32-22 malgré la révolte à 14 joueurs
La Rochelle-UBB: un derby électrique, des cartons, et une victoire au couteau
Trois cartons jaunes pour l’équipe gagnante, une expulsion dès la 35e minute pour l’adversaire, et un stade bouillant: ce derby a coché toutes les cases du Top 14. La Rochelle a dominé Bordeaux-Bègles 32-22 au Stade Marcel-Deflandre, au terme d’un match heurté mais vivant, où l’avance rochelaise construite avant la pause a tenu face au retour girondin.
Le grand récit du soir porte un nom: Teddy Thomas. Blessé ces quatre dernières semaines, l’ailier de métier a été aligné au centre pour la deuxième fois seulement de sa carrière. Pari gagnant. Il a signé un doublé en première période et changé l’allure du match par sa vitesse d’appui et sa lecture des espaces.
Dès la 6e minute, Thomas ouvre le score en captant une transversale au cordeau signée Dillyn Leyds, côté gauche. Timing parfait, réception propre, plongeon: La Rochelle démarre plein gaz. Dix minutes plus tard, même punition côté opposé. Cette fois, c’est la percussion et le jeu sans ballon de Brice Dulin qui fissurent la ligne, offrant l’intervalle que Thomas transforme en essai.
Le tournant arrive à la 35e: rouge direct pour Yoram Moefana après un plaquage haut sur Jonathan Danty. Appel au protocole vidéo, contact haut, pas assez de facteurs atténuants: la sanction tombe et change la donne. Mauvaise nouvelle aussi pour le joueur international, qui pourrait voir sa disponibilité compromise pour la fenêtre de novembre selon la durée de sa suspension.
La Rochelle enfonce le clou juste avant la pause. Sur mêlée à dix mètres, Dulin feinte la passe, perce dans l’intervalle et file derrière la ligne. Le break est fait à la mi-temps, avec un écart de vingt points qui reflète la maîtrise stratégique des Maritimes: occupation au pied, vitesse de jeu sur les extérieurs, et pression constante dans le camp bordelais.
Au retour des vestiaires, l’UBB refuse pourtant le rôle de victime. À 14, les Girondins retrouvent du rythme, accélèrent les libérations, jouent plus à plat et multiplient les incursions dans les 22 rochelais. Leur attaque, timide en première période (une seule visite dans les 22), se réveille franchement. Ils finissent avec trois essais au total et deux transformations, plus une pénalité, preuve d’un état d’esprit qui ne lâche pas.
La Rochelle, elle, gère et score quand il faut. Deux pénalités importantes redonnent de l’air au tableau d’affichage. Avec quatre essais inscrits et trois transformations passées, les Jaune et Noir conservent une marge suffisante pour tenir le baroud d’honneur girondin, malgré un passage franchement agité en termes de discipline.
Car le paradoxe du soir est là: la formation de Ronan O’Gara a récolté trois cartons jaunes. Entre fautes au sol et gestes d’anti-jeu pour couper les enchaînements bordelais, les Rochelais se sont parfois mis sous pression tout seuls. Ces périodes d’infériorité ont relancé l’UBB, qui a su en profiter pour recoller au score et mettre Deflandre sous tension dans le dernier quart d’heure.
Sur le plan tactique, plusieurs axes sautent aux yeux. Le repositionnement de Thomas au centre a apporté de la vitesse en premier receveur et de la menace dans le dos de Danty, autoroute physique qui a fixé la défense. Leyds a joué le rôle de deuxième ouvreur, alternant jeu au pied d’occupation et diagonales inspirées. Dulin, en patron, a géré la profondeur, éclairé le jeu et pesé sur la ligne d’avantage.
Côté UBB, l’expulsion de Moefana a obligé la ligne arrière à réorganiser ses repères. La charnière a accéléré le tempo et varié les zones d’impact pour user la défense rochelaise. À 14, Bordeaux a surtout trouvé des solutions en élargissant le terrain et en imposant des séquences longues. Le banc a apporté de l’énergie, mais l’écart concédé avant la pause était trop lourd.
Au classement, cette victoire compte double pour La Rochelle. Elle relance la dynamique après des résultats contrastés et ancre l’équipe dans le haut de tableau. La gestion des temps faibles reste un chantier — ces trois cartons jaunes ne passeront pas inaperçus à l’analyse vidéo — mais la capacité à capitaliser sur les temps forts a fait la différence.
Les enseignements et les moments-clés
Le match raconte aussi un contexte plus large: la saison est encore jeune, les automatismes se mettent en place, et la fenêtre internationale de novembre approche. Entre gestion des organismes, concurrence interne et discipline, chaque détail pèse lourd dans la course aux phases finales.
- 6e minute: première étincelle, essai de Thomas sur diagonale de Leyds, côté gauche.
- 16e minute: doublé de Thomas, servi après un mouvement déclenché par Dulin à l’opposé.
- 35e minute: carton rouge pour Moefana après un plaquage haut sur Danty, bascule psychologique.
- Juste avant la pause: Dulin feinte et s’échappe pour creuser un écart de vingt points.
- Deuxième période: réaction bordelaise à 14, trois essais au total côté UBB, mais La Rochelle verrouille avec deux pénalités et finit à 32-22.
Chiffres clés: quatre essais à trois pour La Rochelle; trois transformations réussies contre deux; deux pénalités contre une; et un déluge de cartons (trois jaunes pour les Rochelais, un pour Bordeaux en plus du rouge). Le tout dans une ambiance de feu à Marcel-Deflandre, où l’on a vu ce que peut peser un public quand l’adrénaline grimpe.
Sportivement, Ronan O’Gara pourra cocher la capacité de son équipe à marquer vite, faire mal sur les lancements et tenir sous pression. Il aura aussi matière à sermonner sur la discipline. À Bordeaux, le staff retiendra la réaction et la qualité de la seconde période, mais la gestion des débuts de match et la précision défensive, surtout en infériorité, restent à régler pour basculer ces gros chocs du bon côté.