Marins Pêcheurs : Une industrie inadaptée sous perfusion.
Depuis bientôt quinze jours, nous avons été témoin de l'émoi des marins pêcheurs face à l'augmentation des prix du diesel. 0,75 euros du litre de diesel: Tel est le prix payé, par ces entrepreneurs navigateurs qui réclament une tarification ramenée à 0,35 Euros du litre. Plus grave, l'express révèle dans son édition du 22 mai 2008, que les frais liés à l'achat de carburants s'élèvent à 50 % du coût opérationnel d'un chalutier. En plein désarroi, la communeauté des marins pêcheur se retourne contre les "pouvoirs publics" en réclament une action immédiate. A ce jour, la seule réponse de l'Etat consiste à "financer" le surcoût économique à hauteur de 310 millions d'Euros sur deux ans au lieu de trois. En marge de ce financement, sont prévues des discussions avec le groupe Total ainsi qu'une enquête sur les marges de la grande distribution.
L'aide aux marins pêcheurs : Une réponse limitée et sans avenir.
Une réponse financière superficielle a un problème structurel de fond ne saurait représenter une solution durable. Le problème des chalutiers, à l'instar de tous les autres modes de transport, c'est qu'ils ont été conçus à une époque ou l'énergie qui les anime était bon marché. Dès lors, il nous semble que le vrai enjeu serait de re-concevoir de fond en comble l'activité de pêche maritime. Nous osons ici dégager trois directions de réflexion :
Première direction : Comment faire pour développer substantiellement les fermes marines et l'activité piscicole afin de minimiser le recours à la pêche en haute mer ?
Ce n'est pas une question simple. En 2005, au niveau mondial, la pisciculture représente environ 30,30 millions de tonnes sur les quelques 110 millions tonnes pêchées au total. Les poissons marins "domestiqués" ne représentent que 9 % environ des poissons d'élevage qui sont pour l'essentiel des poissons d'eau douce. En réalité, seuls 2,73 millions de tonnes soit 2,47 % de ce qui est mondialement pêché, proviennent effectivement d'élevages piscicoles. De surcroît pour ce qui est de la pisciculture, des limitations techniques et environnementales demeurent. Par exemple pour certaines espèces domestiquées, il faut 3 à 6 Kgs de farines de poissons "sauvages" pour produire 1Kgs de poisson d'élevage. On le voit, le chantier est vaste en plus d'être urgent.
Deuxième direction : N'y aurait il pas des motorisations ou des combinaisons de motorisations qui pourraient permettre d'alléger le budget énergétique d'un chalutier ? Le rapport de synthèse publié par l'IFEN en 2006 montre que la motorisation moyenne de la flotte de pêche métropolitaine à augmenté en puissance de 26,5% entre 1998 et 2002... Dans le même temps le nombre de navires diminuait de 7,34%. Au résultat: le besoin énergétique de la flotte de pêche métropolitaine a augmenté de 16,59 % en quatre ans.
Force est donc de constater que nous avons une flotte de pêche de plus en plus énergivore pour un nombre plus réduit de navires. Il y a donc matière à diligenter une étude impartiale sur toutes les alternatives en matière de motorisation et d'énergie.
Troisième direction : Ne pourrait on pas développer la culture d'algues oléagineuses au sein de coopérative piscicoles ce qui pourrait leur fournir un revenu complémentaire en plus d'un carburant alternatif ? Pour l'exemple de la bretagne, cultiver des algues oléagineuses sur les effluents de l'activité bovine pourrait assurément produire un carburant pouvant servir le marché local. Ce serait une chaîne courte, écologique et créatrice d'emploi comme l'attestent tous les rapports traitant de ce thème (voir articles / sources précédents). Il conviendrait d'évaluer comment un mariage entre fillières agricoles et piscicoles pourrait permettre de dégager des synergies économiques et industrielles.
Dans une situation où nos réserves halieutiques sont en voie d'épuisement, pouvoirs publics, professionnels du secteur et fournisseurs énergétiques semblent soigneusement éviter des questions pourtant essentielles. Le levier financier sert à étouffer un malaise sans qu'aucune stratégie durable n'émerge. On rappellera qu'en France, entre 1998 et 2003, la consommation de produits aquatiques à progressé de 34 %. Sur ce point là, rassurons nous, la croissance sera sauvegardée... Jusqu'à quand ?
Sources :
IFREMER - Pisciculture, statistiques mondiales : http://wwz.ifremer.fr/aquaculture/statistiques_mondiales/la_pisciculture/production_mondiale
Ministère de l'Agriculture - IFEN - La pêche et l'aquaculture - Rapport de synthèse 2006.
20 Minutes - Mercredi 21 mai 2006 : A la pêche à la rentabilité.
Le Monde - avec AFP et Reuters - 21.05.2008 - 12 H 49 "Pêcheurs appelés à la reprise du travail..."
L'Express - Le Gazole, moteur à explosions, L'express 22/05/2008 - P 94.
Crédit photo : www.photo-libre.fr
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